Abidjan Capital du rire

Un ami chef d’entreprise m’a, il y a juste deux (2) jours demandé de lui trouver un comptable et une secrétaire expérimentés. Suite à un post y afférent sur ma page, j’ai reçu à ce jour 758 offres de service.

Le plus frappant c’est la qualité très élevée des offres pour le type d’emploi à pourvoir. J’ai reçu des CV de diplômés de master en droit, économie et autres près à postuler pour un poste de secrétaire. C’est alarmant ! Il urge donc de réagir.

Le gouvernement ivoirien a décrété 2023, « année de la jeunesse ». C’est un réel motif de satisfaction. C’est le signe qu’au plus haut sommet de l’Etat, conscience a été prise que la jeunesse était un enjeu, un défi particulier qu’il faut gagner, au même titre que celui particulièrement des infrastructures.

Tout le monde gagnerait à ce que ce défi soit relevé car la déflagration que pourrait causer l’oisiveté d’une jeunesse désabusée n’épargnait absolument personne.

Durant plus d’une décennie l’Etat a consacré de substantiels efforts en vue de remettre à niveau les infrastructures économiques du pays. Il faut reconnaître qu’il est en passe de réussir ce challenge qui n’était pas gagné d’avance, tant le chantier était colossal.

Certes, là aussi, tout n’est pas rose. Notamment, en ce qui concerne leur maintenance ; la plaie éternelle. Mais, indiscutablement, au moins, la volonté y est.

Autant, j’exprime un total satisfecit en ce qui concerne le développement quasi exponentiel des infrastructures (routes, ponts, universités, écoles, hôpitaux, stades…), autant en ce qui concerne le développement et la valorisation du Capital Humain, particulièrement celui de notre jeunesse, je suis plus que perplexe.

Le constat que de nombreux compatriotes font, c’est que la priorité accordée à la question de l’emploi de notre jeunesse semble être marginale. Elle apparaît comme la dernière roue du carrosse de la croissance ivoirienne. Je reconnais qu’il y a, ça et là, des initiatives conjoncturelles prises pour occuper une partie des jeunes. Or, ce qu’il faudrait, ce sont des mesures structurelles.

Le gouvernement ne pourra pas faire l’économie de l’implémentation de la vision du chef de l’Etat de hisser la jeunesse au rang des priorités nationales. Il doit donc la structurer et la conceptualiser dans un ensemble cohérent. C’est une nécessité de renaissance de cette jeunesse et une exigence de survie de notre nation.

La jeunesse est un volcan passif qui pourrait, du jour au lendemain entrer en éruption. Elle est une bombe sociale qui sommeille et qu’il faut désamorcer. Non pas avec de vains slogans et des réformettes, mais avec des projets structurants.

Le paradoxe c’est qu’en même temps qu’on construit de nouvelles universités, en même temps, en bout de course, on crée chaque année une masse de futurs chômeurs, à l’instar des 3000 docteurs de l’enseignement supérieur non recrutés qui a récemment défrayé la chronique.

Il y a indiscutablement un problème d’adéquation entre la formation dont les entreprises et les administrations ont réellement besoin et les formations qui sont offertes aux jeunes.

Année après année, sortent des grandes écoles des milliers de diplômés avec, pour certains, des BTS plus ou moins utiles. Que faire de tous ces jeunes, diplômes en poche, qui font contre mauvaise fortune bon cœur en devenant des gérants de cabine téléphonique, chauffeurs de VTC ou vigiles !?

Croyons-nous sérieusement que ces jeunes-là vont tranquillement, indifféremment et indéfiniment continuer à regarder nos élites scolariser leurs enfants dans les meilleures écoles et universités occidentales pour après qu’ils reviennent les diriger, eux qui sont restés sur place, faute de moyens financiers pour prétendre, eux aussi, à une formation de qualité. C’est un pari risqué.

Une « étincelle mal maîtrisée » pourrait, à l’instar du Printemps arabe, balayer nos certitudes d’un monde parfait dans lequel tout le monde bénéficie des fruits de la croissance économique. Ouvrons (bien) les yeux !

Ces jeunes qui, pour certains, sont contraints, après leurs études, à demeurer encore sous le toit familial, quelquefois à un âge très avancé, accepteront-ils encore longtemps d’être les moutons du sacrifice et de se retrouver majoritairement au chômage, sans aucune perspective d’avenir ?

C’est un véritable Plan Marshall que le Gouvernement doit élaborer pour sauver cette jeunesse qui est majoritairement sans repères, sans espoir et sans avenir. Ce Plan devrait préconiser la construction de centres de formations techniques et professionnelles dans chaque région, autant qu’on y construit de nouvelles universités.

Le Premier ministre devrait coordonner une équipe dédiée, afin qu’il élabore une feuille de route claire, à l’attention particulièrement de tous les ministres, de sorte que, chacun en ce qui le concerne, bâtisse un programme sectoriel de valorisation et de promotion du capital humain jeune.

Parce qu’un ministère spécialement dédié à l’Emploi Jeune a montré ses limites, il faut que ce soit tous les ministères qui soient, de façon transversale, mis en mission pour trouver des solutions. Toute action autonome et disparate serait irréversiblement vouée à l’échec. Les pays qui ont les taux de chômage les moins élevés ne sont pas pourvu d’un ministère dédié à l’emploi des jeunes.

Seule une œuvre collective, planifiée et soutenue par une claire vision réaliste et ambitieuse, de faire du potentiel créatif de la jeunesse, le vrai moteur de la croissance de notre économie, permettra d’obtenir des résultats concrets.

L’industrialisation et le secteur du numérique sont notamment des pistes très prometteuses à explorer, en concertation étroite avec le secteur privé. Le ministère du commerce et de l’industrie y a un important rôle à jouer car le secteur privé doit être mis à contribution dans un partenariat gagnant gagnant avec des incitations fiscales attrayantes.

Toutes les collectivités territoriales, dans le cadre de la décentralisation devraient elles aussi être mises à contribution pour le financement des initiatives de création d’emplois dans des secteurs tels que l’artisanat, les services, le commerce et l’agriculture. Cela nécessitera la création de zones industrielles, commerciales et artisanales locales structurées, à l’image notamment du village artisanal de Grand Bassam ou celui de Treichville.

Un benchmark doit être implémenté en l’effet d’évaluer la performance des ministres et l’efficacité de leurs politiques sectorielles dans le cadre de l’employabilité de la jeunesse.

Je le répète, une jeunesse diplômée et qualifiée qui ne travaille pas est fatalement une bombe à retardement qui n’attend que quelqu’un ou quelque chose active son détonateur pour exploser.

Jean Bonin KOUADIO
Juriste
Président de FIER.

 

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