Le lundi dernier, un groupe de maîtres de salle – au nombre de 237 selon eux – dirigé par Me Kouakou Kouamé Rudolph Ceinture noire 4e DAN ITF représentent ITF Côte d’Ivoire et Afrique de l’ouest et Soumahoro Ibrahima le président de l’Association ivoirienne de Taekwon-Do ITF and Disciplines Associations, la section ivoirienne de l’ITF, s’est réuni dans un hôtel de la place pour exprimer son soutien à Jean-Marc Yacé, président révoqué de la Fédération Ivoirienne de Taekwondo (FITKD) le samedi 19 octobre. Bien que ce groupe conteste fermement la révocation de Yacé, leurs positions soulèvent des questions, car ces maîtres de salle sont eux-mêmes affiliés à l’International Taekwondo Federation (ITF), une institution rivale de la World Taekwondo (WT) à laquelle la FITKD est traditionnellement liée.
L’ITF à laquelle ils adhèrent a été fondée par la Corée du Nord en opposition à la World Taekwondo, créée par la Corée du Sud. Cette rivalité s’est étendue au niveau mondial. La World Taekwondo étant reconnue pour son Taekwondo olympique, alors que l’ITF est restée une organisation non olympique cherchant à établir sa propre influence dans le monde des arts martiaux.
Pour la Côte d’Ivoire, cette situation est d’autant plus délicate que le Taekwondo ivoirien est affilié à la World Taekwondo depuis 1973, soit depuis plus de cinquante ans. L’adhésion de maîtres KouaméRudolph à l’ITF suggère une rupture claire avec les valeurs et l’organisation auxquelles est rattachée la FITKD. En se positionnant aux côtés de Jean-Marc Yacé, ces maîtres de salle créent ainsi un paradoxe : ils soutiennent un président censé représenter la World Taekwondo, mais leur propre engagement envers l’ITF semble remettre en question cette appartenance.
Le soutien de Kouamé Rudolph et de ses partisans à Jean-Marc Yacé met en lumière une contradiction évidente. En effet, ces maîtres de salle qui réclament la légitimité du président révoqué appartiennent eux-mêmes à une organisation qui défie la structure de la World Taekwondo (WT) en Côte d’Ivoire et dans le monde. Leur adhésion à l’International Taekwondo Federation les place en porte-à-faux par rapport aux principes et valeurs de la Fédération Ivoirienne de Taekwondo, qui a toujours opéré sous l’égide de la World Taekwondo.
Cette prise de position révèle des contradictions majeures : comment ces maîtres peuvent-ils revendiquer la légitimité de la présidence de Jean-Marc Yacé au sein de la FITKD, tout en étant eux-mêmes en désaccord fondamental avec l’idéologie de la fédération mère (World Taekwondo) et par ricochet la FITKD ?
De plus, sur quelle base contestent-ils la légalité de l’assemblée générale extraordinaire, alors qu’ils ne sont pas membres de la FITKD ? D’autant plus que leur affiliation à une structure concurrente et antagoniste en renforce l’incohérence.
La World Taekwondo, soutenue par la République de Corée du Sud, a toujours été considérée comme l’instance officielle et la seule reconnue au niveau olympique. C’est cette affiliation qui a permis aux athlètes ivoiriens participer aux JO, de s’illustrer sur la scène internationale et de bénéficier d’un encadrement structuré et de soutiens institutionnels. En revendiquant leur appartenance à l’ITF, les partisans de Yacé remettent en question les fondements de cette relation historique et fragilisent, par extension, la crédibilité de la FITKD au sein de la communauté internationale.
Le paradoxe va plus loin : à quel titre s’ingèrent-ils dans une affaire qui ne concerne que des membres de la FITKD ? En s’alignant sur une fédération rivale, les partisans de Yacé ne sont pas habilités à s’interférer dans une affaire interne aux membres de la World Taekwondo, une institution avec laquelle la leur a une scission idéologique et sont diamétralement opposés. Leur soutien à Yacé semble motivé non par une volonté de renforcer la Fédération, mais par des intérêts personnels et idéologiques divergents. En d’autres termes, leur posture interroge la sincérité de leur attachement au Taekwondo ivoirien tel qu’il est reconnu sur la scène internationale.
La crise autour de la FITKD ne se limite donc pas aux enjeux sportifs : elle prend une dimension diplomatique délicate qui pourrait nuire aux relations extérieures de la Côte d’Ivoire. En soutenant l’International Taekwondo Federation (ITF), créée par la Corée du Nord, les alliés de Jean-Marc Yacés’inscrivent indirectement dans un conflit géopolitique sensible. En effet, la Côte d’Ivoire n’a aucun lien diplomatique avec la Corée du Nord, tandis qu’elle entretient des relations privilégiées et stratégiques avec la Corée du Sud. Ce partenariat se manifeste par des investissements économiques majeurs, parmi lesquels on compte le Centre Sportif, Culturel et des TIC Ivoiro-Coréen Alassane Ouattara, qui symbolise l’engagement solide entre les deux nations.
Dans ce contexte, il est légitime de s’interroger sur l’adhésion réelle de Jean-Marc Yacé à la World Taekwondo et de se demander quel rôle exact il entend jouer dans ses relations avec cette organisation ?
La posture de Yacé et ses alliés pourrait être perçue comme un geste inconsidéré ou même comme un affront vis-à-vis de la Corée du Sud. En choisissant de soutenir une organisation de Taekwondo parrainée par la Corée du Nord, ils risquent d’entraîner la FITKD dans un conflit politique qui pourrait aussi nuire à l’image de la Côte d’Ivoire à l’international.
Les relations ivoiriennes avec la Corée du Sud sont parmi les plus fructueuses dans la région, symbolisées par un respect mutuel et des échanges économiques et culturels durables. Par leur appartenance à l’ITF, les dissidents de la FITKD agissent en contradiction avec l’intérêt national et risquent de compromettre cette amitié.
Cette situation pourrait même affecter la coopération future dans des domaines cruciaux, au détriment de nombreux projets de développement. La FITKD et la Côte d’Ivoire risquent donc de voir leurs alliances essentielles remises en question.
Elisabeth Goli