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Un mois après l’incident survenu à la mine d’or d’Ity, située dans l’ouest de la Côte d’Ivoire, le 23 juin 2024, notre équipe de reportage s’est rendue dans les villages environnants. Il s’avère qu’il y a eu plus de peur que de mal. Notre reportage…

Chaque matin, Meli Gouanda Frédéric, un cultivateur de 62 ans, arpente les sentiers de la brousse pour ses travaux champêtres. Le 24 juin 2024, assoiffé après quelques heures de labeur, il se dirige vers le marigot, espérant se désaltérer et récupérer de l’eau pour la journée. À peine a-t-il étanché sa soif qu’il voit, à sa grande surprise, quelques poissons mortsflottés aux abords de l’eau. Étonné et paniqué, il alerte un jeune du village, employé à la mine d’or d’Ity, pour signaler cette découverte.

Dans les villages environnants

Le 22 juillet 2024, notre équipe de reportage s’est rendue dans les villages proches de la mine. Notamment, Ouyatouo et Meantouo pour procéder à une investigation afin de comprendre ce qui s’était passé et comment cet incident a été géré. Selon les informations recueillies auprès de plusieurs sources concordantes, l’incident a été causé par la rupture d’une valve d’un pipeline qui a entraîné des déversements de boue cyanurée dans les cours d’eau environnants.

Problème technique et réponse immédiate

Une source proche de l’incident explique et rappelle que dès la survenue de l’incident le 23 juin, la mine d’or a contacté le Centre Ivoirien Antipollution (CIAPOL) qui s’est rendu sur les lieux de l’incident le 26 juin pour effectuer plusieurs prélèvements. Répondant à l’un de nos confères (AIP) lors d’une visite de la mine le 10 juillet, le directeur du CIAPOL, Yapo Bernard, avait alors confirmé qu’il y avait eu « manifestement pollution » mais que celle-ci avait été « localisée » et « vite maîtrisée ». Ajoutant que daprès les premières analyses effectuées par l’autorité, il n’y a pas eu de concentration majeure du cyanure au niveau du Cavally et des cours d’eaux environnants.

Les premières rumeurs

À en croire notre source proche de la direction du site minier, l‘usine a été arrêtée cinq minutes après l’incident et la fuite maîtrisée. La direction a informé le CIAPOL et averti la communauté villageoise le 24 juin 2024. Contrairement aux rumeurs, ce n’était pas une digue mais bien une défaillance de valve qui était à l’origine de l’incident, « l’impact aurait été bien plus grave si une digue avait cédé », indique-t-il.

Projets en cours et réalisés

Depuis l’incident, plusieurs actions ont été entreprises auprès des communautés locales par les autorités et la mine.Quelques jours après l’incident, des camion-citerne ont fourni de l’eau potable aux habitants. Nous avons aussi pu constater sur place la réparation de (8) forages d’eau défectueux à l’Est-Cavally et à Zouan-Hounien sur les quatorze (14) foragesd’eau défectueux, et la construction de deux (2) nouveaux forages sont en cours de réalisation dans le village de Ouyatouo, dont un presque achevé.

Un cadeau du ciel empoisonné

La nuit du 24 au 25 juin, M. Meli souffre de violents maux de tête, vertiges, diarrhées et vomissements. À l’hôpital, les médecins lui prescrivent des médicaments, il est pris en charge à l’infirmerie de la société minière, mais il ressent à ce jour des douleurs articulaires. Des poissons morts, considérés comme un « cadeau du ciel » par les villageois, semblent avoir causé une intoxication alimentaire. Nous apprenons aussi de sources médicales que la mine d’Ity a reçu depuis l’incident environ 350 ordonnances des communautés et tous les produits prescrits ont été servis gratuitement par la mine etsans distinction de symptômes. Le calme semble être revenu dans les villages proches de la mine d’or d’Ity.

Faire face à l’urgence

Théophile Nemlin, Secrétaire général de la Préfecture de Zouan-Hounien, indique que des mesures conservatoires ont été instaurées immédiatement. L’opérateur minier a reçu une mise en demeure pour cesser toute activité polluante et effectuer les réparations nécessaires. Une campagne de sensibilisation a été menée pour éviter la consommation d’eau et d’animaux contaminés.

Une liste de revendications

Dans un entretien le 3 juillet 2024, le directeur du CIAPOLaffirmait que la société minière disposait de toutes les autorisations environnementales et faisait l’objet de contrôles réguliers, le dernier datant de juin. Les incidents sont considérés comme des accidents imprévisibles, bien que l’entreprise reste responsable de leurs conséquences.

Pour leurs prises en charge effectives, les victimes réclament des analyses approfondies et des soins adaptés. Le chef de terre, par ailleurs chef de village par intérim de Ouyatouo, Célestin Balla, lui aussi victime, présente une liste de revendications en dix points, incluant des examens biologiques et une prise en charge sanitaire pendant 10 ans. « Nous avons plusieurs revendications, mais dans l’urgence je souhaite qu’en plus des victimes, tous les villageois soient suivis médicalement », propose le chef Célestin Balla.

À Méantouo, le chef Kouemy Koyemun et son adjoint Octave Bouan demandent la réhabilitation et l’augmentation des forages, ainsi que la construction d’un dispensaire et d’une école. Au village de Ouyatouo, les victimes attendent des soins appropriés. Les populations scrutent l’avenir proche avec beaucoup d’espoir.

Depuis l’incident, plusieurs réunions tenues et prévues entre les communautés des villages concernés, les autorités préfectorales, les forces de l’ordre, les responsables du contrôle environnemental, ainsi que les dirigeants de la mine, constant qu’il y avait eu plus de peur que de mal, et qu’aucun décès n’avait heureusement été déploré.

Sériba Koné, envoyé spécial à Ouyatouo

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